Apple et Google ont annoncé vendredi un partenariat pour permettre le suivi numérique des individus ayant été à proximité des personnes infectées par le coronavirus afin de limiter la propagation de la maladie tout en préservant la confidentialité.
« Google et Apple annoncent un effort conjoint pour permettre l’utilisation de la technologie Bluetooth dans le but d’aider les gouvernements et les agences de santé à réduire la propagation du virus, en intégrant la confidentialité et la sécurité des utilisateurs au cœur de la conception », ont indiqué les deux géants technologiques dans un billet de blog.
Des smartphones équipés du logiciel iOS d’Apple ou Android de Google pourront ainsi échanger des informations via Bluetooth, afin d’assurer le suivi des contacts humains (« contact tracing ») et d’alerter les autres utilisateurs.
A partir de mai, les utilisateurs d’appareils iOS et Android seront en mesure de partager des contenus issus d’applications officielles d’autorités de santé publique, téléchargeables depuis les boutiques en ligne des deux groupes.
Apple et Google prévoient, dans un second temps, de développer « une plateforme de suivi des contacts plus large […] qui permettrait à davantage de personnes d’y participer, si elles choisissent d’y adhérer. »
Les systèmes d’exploitation des deux groupes rivaux sont les plus utilisés sur les smartphones à travers la planète.
« Compte tenu de l’urgence du besoin, l’objectif est de mettre en œuvre cette solution en deux étapes tout en maintenant de solides protections pour assurer le respect de la vie privée des utilisateurs », ont promis Apple et Google.
Le patron d’Apple, Tim Cook, et celui de Google, Sundar Pichai, ont tous deux réagi à ce nouveau partenariat.
« Le suivi des contacts peut aider à ralentir la propagation du Covid-19 et peut se faire sans compromettre la vie privée des utilisateurs », a écrit M. Cook sur Twitter.
– Quelle efficacité? –
Plusieurs experts et association se montraient cependant perplexes sur l’efficacité des nouveaux outils de Google et d’Apple.
« Il est difficile de savoir quel usage ils comptent faire » des données obtenues, s’interroge ainsi Ryan Calo, chercheur à l’université de Washington et affilié au Centre pour internet et la société de Stanford.
« S’ils pensent que le suivi numérique des contacts va permettre aux gens d’arrêter la distanciation sociale, je suis sceptique », indique M. Calo.
« Mais s’ils créent une plateforme de recherche pour les autorités sanitaires, ça pourrait être utile », ajoute-t-il.
La puissante organisation de défense des droits civiques ACLU saluait la démarche, mais se montrait préoccupée par les inégalités économiques que cette nouvelle initiative risque, selon elle, de mettre à jour.
« De telles méthodes de suivi des contacts sont susceptibles d’exclure de nombreux membres vulnérables de notre société dont l’accès aux technologies est limité et qui sont déjà affectés de manière disproportionnée par la pandémie », avertit Jennifer Granick, chargée de la surveillance et de la cybersécurité pour l’ACLU.
D’autres experts s’interrogeaient sur l’usage des données personnelles malgré les garanties des deux entreprises.
« Si j’imagine que ces outils seront proposés sur la base du volontariat, ils finiront par devenir obligatoires une fois que les législateurs se mettront à se fier à eux pour prendre des décisions telles que qui peut quitter son domicile ou qui peut retourner au travail », s’inquiète Ashkan Soltani, chercheur en sécurité informatique.
« Cela créera un précédent incroyablement dangereux », prédit-il.
Mais pour d’autres spécialistes, les dispositifs de protection sont suffisamment élevés pour ne pas donner lieu à des abus.
« Les plateformes mobiles ont mis en place des garde-fous techniques pour atténuer les risques de traçage et de ré-identification, qui semblent assez solides », estime John Verdi, du Future of Privacy Forum.