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Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft : où êtes-vous ?

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Face à la crise, les géants du Web semblent pour l’instant peu enclins à contribuer à la hauteur de leurs moyens.

Le monde traverse l’une des pires crises sanitaires de son histoire, une catastrophe qui pourrait entraîner la mort de plus de 240 000 personnes aux États-Unis. À ce drame humain s’ajoute une crise économique majeure : l’indice boursier Dow Jones a perdu près de 30 % de sa valeur en quelques semaines et les demandes hebdomadaires de prestations d’assurance-emploi ont enregistré un nouveau record chez notre voisin du Sud, avec 6,6 millions de nouvelles demandes rien que pour la semaine passée. Certains économistes redoutent même un taux de chômage avoisinant les 30 % dans les mois à venir…

Dans ce contexte, nombreuses sont les entreprises qui se mobilisent pour prêter main-forte à l’action des gouvernements. D’autres demeurent pour l’instant étonnamment discrètes : les Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, ces fameux GAFAM.

Depuis le début de la pandémie, les GAFAM ont consacré près de 550 millions de dollars à la cause. Une somme importante, mais c’est comme si un Canadien possédant 100 000 dollars d’actifs donnait… 60 dollars !

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Les sommes distribuées par les géants du Web depuis le début de la crise ne représentent en effet que 0,06 % de la richesse cumulée de ces multinationales, de leur fondateur et de leur fondation, selon les données recueillies par TaxCOOP, une conférence internationale d’initiatives québécoises sur la concurrence fiscale, dont la première édition s’est tenue en 2015. « La réponse des GAFAM n’est pas à la hauteur de la crise ni à la hauteur de leur capacité à contribuer », déplore Brigitte Alepin, professeure en fiscalité de l’Université du Québec en Outaouais et cofondatrice de TaxCOOP.

Google, par exemple, a contribué à 0,02 % de sa richesse, soit un peu moins de 60 millions de dollars, alors que sa richesse s’établit à 201 000 millions. Facebook a donné 180 millions (0,10 %) alors que l’actif net de la société, selon ses plus récents états financiers, s’élève à 100 000 millions de dollars.

Pourtant, selon le classement 2019 du magazine américain Forbes, la fortune de Jeff Bezos, patron d’Amazon et homme le plus riche du monde, s’élève à plus de 117 milliards de dollars américains. Celle de Bill Gates (Microsoft), à 99,5 milliards, celle de Mark Zuckerberg (Facebook), à 57,3 milliards de dollars. Quant à Larry Page, cofondateur de Google, il aurait en banque un peu plus de 50 milliards de dollars, toujours selon Forbes

Autant dire que ces immenses fortunes pourraient, en moins de temps qu’il faut pour le dire, acheter les 80 000 ventilateurs dont l’Amérique a besoin, mais que l’agence fédérale américaine de gestion des urgences, la FEMA, refuse de financer, jugeant le coût de l’opération — un milliard de dollars — prohibitif.

Pour Jeff Bezos, par exemple, le milliard de dollars nécessaire pour alimenter le pays en ventilateurs représente moins de 1 % de sa fortune. Pour un ménage américain qui possèderait 100 000 dollars d’actifs, ce milliard représenterait une dépense de 854 dollars. Et pour un millénial dont l’actif s’élèverait à 30 000 dollars, cela équivaudrait à un don de 256 dollars. Rien d’insurmontable.

Des gestes qui ne coûtent pas cher

Bien sûr, les géants de la Silicon Valley ont lancé de nombreuses initiatives. Facebook, par exemple, a indiqué la semaine passée faire don de 100 millions de dollars pour aider les médias, déjà fragiles et durement touchés par les pertes de revenus publicitaires à cause de l’épidémie, à continuer de fournir une information fiable en ces moments où elle est indispensable. Cette enveloppe comprend 25 millions de dollars de dons d’urgence pour le journalisme local partout sur la planète ainsi que 75 millions de dollars sous forme d’aide à la promotion… sur Facebook. Un geste qui ne coûte rien ou presque à la plateforme chère à Mark Zuckerberg.

Tim Cook, le dirigeant d’Apple, a annoncé dimanche sur Twitter que la marque à la pomme avait conçu des masques destinés au personnel hospitalier, et que la société serait en mesure d’en produire très bientôt un million par semaine. Tim Cook a par ailleurs précisé qu’Apple avait été en mesure de se procurer 20 millions de masques chirurgicaux auprès de ses fournisseurs dans le monde.

Du côté de Microsoft, il y a certes eu un don de 116 millions de dollars au début de la crise, mais depuis plus rien ou presque. Quelque 24 000 boîtes à lunch ont été distribuées dans les écoles et des employés mis à pied continuent à être payés. Mais il n’en reste pas moins que cette participation du géant informatique n’est pas à la hauteur de la crise actuelle.

Google s’est quant à elle engagée à donner plus de 630 millions de dollars pour soutenir les entreprises, les organisations et les professionnels de la santé dans le cadre de sa réponse au coronavirus, essentiellement sous forme de publicité gratuite.

Enfin, Amazon a promis sept millions de dollars pour soutenir les communautés les plus vulnérables de la région de Washington DC et de Seattle par l’intermédiaire d’organismes sans but lucratif. L’entreprise offre 20 millions de dollars de crédits et de soutien technique à ses clients d’Amazon Web Services, tels que des petites entreprises ou des instituts de recherche, qui utilisent ses services en ligne pour faire face à la crise. Jeff Bezos a, lui, annoncé il y a quelques jours un don de 100 millions de dollars aux banques alimentaires américaines, soit moins de 0,10 % de sa fortune personnelle…

« C’est inacceptable »

« Ces entreprises contournent les régimes fiscaux des États et ne payent pas leur juste part d’impôt. Quand la crise est arrivée, nous avons voulu voir si au moins ces multinationales étaient au rendez-vous. Malheureusement, cet espoir ne s’est pas concrétisé, loin de là », dit Brigitte Alepin, qui figure parmi les 50 fiscalistes les plus influents au monde selon Global Tax 50, un classement établi par le magazine International Tax Review.

« Qu’une société comme Facebook, dont la richesse est évaluée à 100 000 millions de dollars — je ne parle pas de capitalisation boursière, mais bien de ce qu’elle a dans ses coffres —, n’ait rien d’autre à donner que des crédits qui lui coûtent presque rien… c’est dur à accepter. » Quand Google annonce des crédits de 630 millions de dollars, ça ne lui coûte pas 630 millions de dollars, précise-t-elle. « On ne peut même pas parler d’un manque à gagner, étant donné que ces crédits d’impôt sont destinés à des PME qui, sans ce crédit, n’auraient pas acheté de publicité. »

Ces entreprises vont pourtant profiter de la crise, qui leur servira à installer durablement dans les routines individuelles ou collectives tout un tas de solutions technologiques.

Amazon, par l’intermédiaire de sa filiale AWS, domine l’informatique en nuage grâce à ses méga centres de données et héberge nombre de plateformes de télétravail de banques, de compagnies d’assurances et d’autres industries. Google, avec des outils comme Google Cloud, Google Cloud Platorm ou Google Drive, est un acteur important des solutions de télétravail. Du côté d’Apple, les applications Facetime et Facetime Audio s’imposent dans le secteur de la visioconférence et de l’audioconférence. Tout comme Skype, propriété du groupe Microsoft.

« Si les multinationales étaient imposées comme toutes les autres sociétés au Canada, à hauteur d’environ 25 % de leurs revenus, si elles payaient leur juste part d’impôt, elles n’auraient pas besoin de contribuer lors de situations exceptionnelles », poursuit Brigitte Alepin.

Quant à savoir quel devrait être le montant jugé acceptable à demander à ces entreprises, la fiscaliste rappelle qu’au Canada, une fondation doit donner chaque année au moins 3,5 % de la valeur de ses immobilisations à des oeuvres caritatives… « Cela me paraît être raisonnable. »

À noter que 3,5 %, c’est près de 60 fois plus que les 0,06 % donnés à ce jour par l’ensemble des géants du numérique.

Un impôt spécial ?

Avec les autres fondatrices de TaxCOOP, Lyne Latulippe et Louise Otis, Brigitte Alepin propose la création d’un impôt spécial pour les milliardaires et leur fondation, pour qu’ils fassent leur juste part pendant cette crise d’une ampleur exceptionnelle.

« Les gouvernements disent qu’on est en guerre, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres parle même de la pire crise depuis la Deuxième Guerre mondiale… Il est donc temps de mettre en place des impôts spéciaux », prévient Brigitte Alepin.

Pour les années 2020-2021, qui risquent d’être les plus touchées par la crise, une contribution supplémentaire de 7 % par année sur le capital des fondations rapporterait plus de 120 milliards de dollars en Amérique du Nord sur deux ans, soit 60 milliards par an, selon les calculs de TaxCOOP.

« Une contribution obligatoire semblable pourrait être exceptionnellement demandée dans les autres pays et rapporter tout autant. Ces montants, destinés essentiellement à la poursuite du bien commun, rencontreraient la mission initiale de ces fondations sans mettre en péril leur perpétuité», peut-on lire dans la tribune que TaxCOOP a publiée ce mardi sur le site du magazine français L’Obs.

Sans une participation extraordinaire, à la hauteur de la récession qui va secouer le monde dans les prochains mois, les GAFAM pourraient rester dans l’histoire comme le symbole du meilleur comme du pire du capitalisme.

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