par Steeve Fortin | Le Quotidien
CHRONIQUE / Depuis presque un an, les périodes de fermeture des magasins exposent au grand jour leurs lacunes en matière de commerce électronique. Tandis qu’Amazon crée un véritable raz-de-marée commercial numérique, plusieurs entrepreneurs locaux cherchent tant bien que mal des moyens de faire des ventes. Rivaliser avec les géants du commerce électronique n’est pas une mince tâche, certes, mais il est toutefois possible de réinventer le commerce local afin que le numérique soit partie prenante des opérations courantes.
Pourquoi ce retard ?
La pandémie expose non seulement la fragilité du système de santé, elle expose également la fragilité du secteur commercial. Par contre, depuis une dizaine d’années, les experts sonnent l’alarme à propos du retard des entreprises locales en matière de commerce électronique.
Le commerce électronique a pris son véritable essor au début des années 2000, moment où les solutions de paiement fiables ont fait leur apparition. À cette époque, les aspirations du commerce électronique étaient liées au retrait des frontières physiques, car avoir un site transactionnel, c’était en quelque sorte un moyen de conquérir le monde. Aujourd’hui, il est faux de croire qu’un site transactionnel est systématiquement synonyme de commerce international, il est plutôt un outil permettant aux consommateurs d’avoir accès au commerce sans s’y déplacer.
Coûts de développement
Développer un site transactionnel implique un investissement majeur pour les petites entreprises, car celui-ci est plus qu’une simple carte de visite, il devient littéralement une succursale. Le site transactionnel doit être beau et le processus d’achat doit être simple pour la clientèle qui doit avoir accès à l’inventaire en temps réel.
Plusieurs commerçants locaux offrent une expérience d’achat agréable et un service hors pair en magasin, tandis que leur site Internet semble tout droit sorti d’une autre époque ou du génie créatif du beau-frère qui, semble-t-il, connaissait ça ! Le site transactionnel doit être relié directement au système d’inventaire de l’entreprise afin que la disponibilité de la marchandise se fasse en temps réel pour la clientèle virtuelle. De nos jours, plusieurs systèmes d’inventaire offrent même la possibilité de concevoir un site transactionnel pour une fraction du prix.
Livraison
La livraison est le talon d’Achille du commerce électronique local. En effet, l’expédition des marchandises est généralement dispendieuse tandis que les alternatives sont peu nombreuses. Pour de l’expédition provinciale ou nationale, les services de livraison classiques (postal, Purolator, Fedex, etc.) proposent des solutions intéressantes lorsque le volume de colis est suffisant, mais pour les petits expéditeurs, le prix de livraison peut en décourager plus d’un, d’autant plus que chez Amazon, la livraison est gratuite pour les abonnés au service Prime.
Alors, comment rivaliser avec les grandes entreprises ? Pour les livraisons locales, la cueillette de marchandises en magasin est le moyen le plus économique de faire le pont entre le virtuel et le réel. Or, plusieurs consommateurs désirent désormais une expérience d’achat impliquant la livraison à domicile. Bien que certaines entreprises possèdent d’ores et déjà leur propre service de livraison, plusieurs commerces sont démunis de ressources. Est-ce que les services de livraison de nourriture tels Skip, Uber Eat ou Doordash pourraient être mis à contribution pour la livraison de petits colis ? S’il est possible de livrer un trio Big Mac à bon prix, il en serait ainsi pour des vêtements ou des produits électroniques. Est-ce que ce type de service pourrait être offert par les chambres de commerce ? La fermeture des magasins a changé les mœurs de bien des consommateurs dont les habitudes d’achat se poursuivront bien au-delà de la pandémie. Le commerce local n’est pas sorti du bois et sa survie passera par une stratégie hybride combinant virtuel et présentiel.
Se servir du géant
Pour les commerçants qui fabriquent leurs produits, il est possible de se démarquer via un site Internet, certes, mais il est également possible de les vendre directement chez Amazon afin de profiter du système de logistique et livraison du géant Internet. La marge de profit est évidemment réduite en comparaison à la vente directe au consommateur, mais si le produit se démarque, le volume viendra absorber la différence.
L’achat local est au cœur des convictions et se doit d’être concurrentiel, non pas seulement au niveau du prix, mais aussi au niveau de l’expérience d’achat en magasin et sur Internet. Il ne faut jamais oublier que le consommateur peut désormais, en quelques secondes et avec son téléphone cellulaire, acquérir un produit provenant de l’extérieur, qui sera livré chez lui quelques jours plus tard, sabotant ainsi tous les efforts déployés par le commerçant local.
Chaque entreprise doit prendre sa part de responsabilité en matière de commerce électronique et, entre vous et moi, le Panier bleu n’est définitivement pas la solution.