L’histoire de l’intelligence artificielle (IA) ne fait que commencer. Mais la frénésie de dépenses des grandes entreprises technologiques pour la construction et la location de centres de données, les salles des machines de l’IA, est déjà bien entamée. L’année dernière, elles ont investi environ 105 milliards US dans ces vastes installations gourmandes en énergie.
Cette frénésie de dépenses accroît la demande d’électricité et suscite des inquiétudes en matière environnementale. Un récent titre du New Yorker a qualifié d’« indécents » les besoins en énergie de l’IA. Mais il existe une autre perspective sur l’IA et l’environnement, qui se concentre non pas sur la façon dont la technologie est fabriquée, mais sur ce qu’elle peut faire.
L’IA peut contribuer à accélérer la découverte scientifique et l’innovation en améliorant l’efficacité et en réduisant les émissions de carbone responsables du réchauffement de la planète dans des secteurs tels que les transports, l’agriculture et la production d’énergie.
Qu’est-ce qui rend ces centres de données si gourmands en énergie ?
C’est l’essor de l’intelligence artificielle dite générative.
L’intelligence artificielle générative peut faire beaucoup – non seulement analyser des données et faire des prédictions – mais aussi écrire de la poésie et du code informatique, résumer des livres et répondre à des questions, souvent avec une compétence de niveau humain. Et ce type de calcul nécessite beaucoup d’énergie. Selon une estimation récente, une requête sur ChatGPT nécessite près de 10 fois plus d’électricité qu’une recherche normale sur Google.
Les chercheurs travaillent sur l’IA générative depuis des années, mais elle a réellement fait irruption sur la scène en novembre 2022 lorsque OpenAI a présenté ChatGPT, le robot conversationnel qui a fait sensation. Microsoft a investi plus de 13 milliards US dans OpenAI et s’empresse d’inclure des fonctions d’IA dans ses produits. Il en va de même pour Amazon, Google et Meta, le propriétaire de Facebook, Instagram et WhatsApp.
De combien la demande d’électricité va-t-elle augmenter ?
Les estimations sont plus élevées, mais les experts prévoient généralement que la consommation d’énergie des centres de données dans le monde entier va au moins doubler au cours des prochaines années. Goldman Sachs a estimé que la consommation d’électricité des centres de données augmentera de 160 % d’ici à 2030. Selon une prévision récente de l’Agence internationale de l’énergie, la demande devrait plus que doubler d’ici à 2026.
Ces prévisions représentent toutes des augmentations considérables, ce qui laisse présager une forte hausse des émissions de gaz à effet de serre des centres de données s’ils obtiennent leur électricité à partir de combustibles fossiles comme le charbon et le gaz naturel. Mais il ne faut pas oublier : le secteur mondial de l’électricité est vaste et varié. Les centres de données représentent environ 1 à 2 % de la demande totale d’électricité. Selon les estimations, cette part passera à 3 ou 4 % d’ici à 2030.
Quels sont les arguments en faveur de l’IA en tant que technologie verte ?
Selon les experts, l’intelligence artificielle est un outil polyvalent qui, s’il est utilisé à bon escient dans l’ensemble de l’économie, pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 5 à 10 % d’ici à 2030, d’après une étude du Boston Consulting Group commandée par Google.
Par exemple, la technologie promet de « donner un coup de fouet à la conception biologique », a déclaré Drew Endy, professeur agrégé de bio-ingénierie à l’Université Stanford. Le résultat, a-t-il dit, pourrait bien être de donner un coup de fouet à la biologie en découvrant les bonnes formules d’ADN pour débloquer une agriculture plus efficace et moins polluante, par exemple.
L’IA pourrait également transformer radicalement la façon dont nous trouvons les métaux qui sont essentiels non seulement pour l’industrie technologique, mais aussi pour la lutte contre le changement climatique. Dans un cas, elle a contribué à la découverte d’un vaste gisement de cuivre en Zambie, un élément clé des véhicules électriques.
Zanskar, une jeune pousse de Salt Lake City, utilise l’IA pour tenter d’améliorer le taux de réussite de la découverte d’énergie géothermique pour les centrales électriques. Selon Carl Hoiland, cofondateur et PDG de Zanskar, environ 90 % des projets géothermiques lancés à partir de zéro échouent principalement parce qu’ils forent au mauvais endroit. Mais l’IA, combinée à de nouveaux ensembles de données géologiques comme les données des satellites et des capteurs sismiques, pourrait permettre de doubler ou de tripler le maigre taux de réussite dans ce domaine.
En théorie, cela pourrait faire une grande différence dans la lutte contre le réchauffement climatique. La géothermie est une source d’énergie propre, disponible 24 heures sur 24, mais elle représente actuellement moins de la moitié de 1 % de l’énergie électrique aux États-Unis.
À retenir
Même si la demande d’électricité issue de l’IA devait au moins doubler dans les années à venir, l’efficacité de la technologie pourrait augmenter à un rythme encore plus élevé. Il existe un précédent historique.
Prenons l’exemple de l’informatique en nuage. La consommation d’énergie a explosé au début des années 2000. Et l’on craignait que cette augmentation se poursuive. Mais alors que la production informatique des centres de données du monde entier a été multipliée par six entre 2010 et 2018, la consommation d’énergie n’a augmenté que de 6 %.
Selon les analystes du secteur, une tendance similaire pourrait bien se dessiner avec l’IA.
« Une fois que la manie s’est calmée, d’autres facteurs entrent en jeu », a déclaré Jonathan Koomey, un ancien scientifique du Lawrence Berkeley National Laboratory qui est aujourd’hui chercheur indépendant. « L’industrie a tout intérêt à devenir plus efficace. »
Les grandes entreprises technologiques cherchent à rationaliser leurs logiciels, leur matériel et leurs systèmes de refroidissement afin de réduire la consommation d’électricité dans les centres de données. Elles installent leurs centres informatiques dans des pays nordiques et utilisent l’air froid extérieur comme agent de refroidissement pour réduire la consommation d’électricité et d’eau. Elles investissent également dans des sources d’énergie alternatives.
Si ces efforts sont couronnés de succès et si nous utilisons l’IA de manière intelligente, elle pourrait finir par offrir un bon rapport qualité-prix sur le plan environnemental.
Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.
Lisez la version originale de cet article (en anglais ; abonnement requis)